[Etude] Comment ChatGPT bouleverse la recherche en ligne ?
Publié le 7 février 2025, mis à jour le 3 mars 2025
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Depuis plusieurs mois déjà, les moteurs de recherche ne se limitent plus à de simples algorithmes de classement de mots-clés : ils deviennent de plus en plus conversationnels et contextuels, avec une expérience de recherche plus interactive, alimentée par de puissants modèles de langage. Dans leur dernière étude, Statista and Semrush analysent en détail l’émergence et la popularisation de ChatGPT (auparavant “SearchGPT”) ainsi que son impact sur l’écosystème du marketing digital et du SEO
Méthodologie de l’étude et axe d’analyse
Pour évaluer l’effet de ChatGPT sur la dynamique de recherche et le trafic web, l’équipe Semrush a analysé plus de 80 millions de lignes de données de navigation mondiale (clickstream data) pour la seconde moitié de 2024. Le clickstream data correspond à la trace numérique laissée par les utilisateurs lors de leur navigation en ligne, incluant l’ordre dans lequel les pages sont consultées, la durée de chaque visite et les sources de trafic (moteurs de recherche, liens de réseaux sociaux, etc.)
En décortiquant ces données, il est possible de reconstituer le parcours utilisateur : des requêtes initiales sur ChatGPT jusqu’aux sites externes visités après avoir consulté ou interagi avec les réponses générées.
La montée en puissance de ChatGPT comme source de trafic
L’un des indicateurs clés pour mesurer l’influence d’un moteur de recherche est sa capacité à envoyer du trafic vers d’autres domaines. Historiquement, Google a toujours été le leader incontesté dans ce domaine, suivi de Bing et de quelques moteurs alternatifs. Avec l’arrivée de ChatGPT, un changement est en cours.
- Juillet 2024 : Moins de 10 000 domaines uniques recevaient du trafic issu de ChatGPT sur une journée donnée.
- Novembre 2024 : Plus de 30 000 domaines uniques recevaient du trafic depuis ChatGPT chaque jour, soit une croissance fulgurante sur quelques mois.
Fait intéressant, on observe un pic notable en août, avant même que la fonctionnalité « Search » (anciennement SearchGPT) ne soit officiellement lancée fin octobre. Cela montre que même dans sa phase initiale (avec un modèle essentiellement pré-entraîné, sans accès direct au web par défaut), ChatGPT a été utilisé comme un levier de découverte de contenu par un nombre croissant d’internautes.
Au fur et à mesure que ChatGPT développe des fonctionnalités de recherche plus sophistiquées, cette tendance à redistribuer le trafic vers des milliers de domaines devrait s’accentuer. Les éditeurs, e-commerçants et spécialistes du marketing digital commencent donc à prendre en compte ChatGPT comme un canal de visibilité à part entière, au même titre que Google ou Bing, même si ce dernier ne rivalise pas (encore) avec la volumétrie de Google.

Quand la recherche devient conversationnelle : l’effet ChatGPT
L’une des grandes questions pour les spécialistes SEO et les éditeurs est : comment les internautes formulent-ils leurs requêtes sur ChatGPT ? S’agit-il de questions classiques, de mots-clés courts ou longs, ou bien d’un nouveau type de requêtes ?
Par défaut, ChatGPT fonctionne sans accès au web, se basant sur sa base de connaissances internes (modèle pré-entraîné). L’utilisateur a toutefois la possibilité d’activer la fonctionnalité de recherche en ligne en cliquant sur l’icône en forme de globe, afin que ChatGPT puisse récupérer des informations actualisées depuis le web.
- 54 % des interactions observées se font avec le « SearchGPT » désactivé.
- 46 % des interactions ont le « SearchGPT » activé.
Dans certains cas, ChatGPT active automatiquement la recherche lorsqu’il identifie des requêtes nécessitant des informations à jour, signalant à l’écran « Searching the web ».
La longueur moyenne des prompts – Mode hors-ligne (SearchGPT désactivé) :
- Les utilisateurs formulent en moyenne des prompts de 23 mots.
- Dans les cas extrêmes, on a relevé des prompts allant jusqu’à 2 717 mots.
- Il s’agit souvent de requêtes complexes ou de discussions approfondies (rédaction de textes, analyses poussées, etc.).
La longueur moyenne des prompts – Mode en ligne (SearchGPT activé) :
- Les prompts se réduisent en moyenne à 4,2 mots.
- Le plus long prompt relevé contenait 301 mots
- Ici, les internautes se comportent davantage comme sur Google, avec des requêtes concises et précises pour trouver rapidement une réponse ou un site précis.
Cette distinction met en évidence l’usage binaire de ChatGPT : d’un côté un assistant conversationnel pour des dialogues complexes, de l’autre un outil de recherche rapide pour des requêtes similaires à Google.

Avec ChatGPT, l’intention de recherche s’élargit
Dans l’optimisation pour les moteurs de recherche (SEO), on classe généralement les requêtes selon quatre intentions principales :
- Navigationnelle : l’utilisateur cherche un site précis (ex. : « Facebook login »).
- Informationnelle : l’utilisateur veut s’informer (ex. : « Quel est le plus haut sommet en Europe ? »).
- Commerciale : l’utilisateur envisage un achat ou compare des options (ex. : « Meilleure trottinette électrique 2025 »).
- Transactionnelle : l’utilisateur est prêt à acheter ou à s’inscrire (ex. : « Acheter iPhone 14 pas cher »).
Sur l’ensemble des requêtes ChatGPT collectées, seuls 30 % correspondaient à des intentions de recherche classiques identifiées dans la base de données Semrush. Les 70 % restants n’apparaissent pas dans cette base, car ils sont soit trop spécifiques, soit totalement nouveaux, représentant des formes d’intentions inédites.
Cela montre que ChatGPT ouvre la voie à de nouvelles façons de solliciter un moteur, parfois axées sur la création (brainstorming, rédaction, génération d’images, code, etc.) ou la résolution de problèmes de manière conversationnelle, là où un moteur comme Google se cantonnait surtout à rediriger l’utilisateur vers des sites existants.
Parmi les 30 % de requêtes ChatGPT qu’il a été possible de catégoriser :
- Google présente une proportion plus élevée de requêtes navigationnelles (les gens cherchant des sites précis).
- ChatGPT, en revanche, fait ressortir un fort taux d’intentions informationnelles sur les requêtes identifiées.
Lorsque l’on compare l’intention de recherche en mode SearchGPT activé vs SearchGPT désactivé, on note que le mode « search » tend à rapprocher ChatGPT du comportement de Google, avec plus de requêtes navigationnelles, commerciales et transactionnelles. Sans ce mode, ChatGPT reste majoritairement employé pour des fins informationnelles ou conversationnelles profondes.

Quels sont les vainqueurs de ce changement de paradigme ?
Afin de comprendre qui profite réellement de ce nouveau canal, l’étude Semrush a examiné les 10 000 domaines les plus visités après une interaction avec ChatGPT, tous secteurs confondus.
Si on compare ChatGPT, à Google, le géant historique du search reste bien en tête en termes de distribution de trafic. Même si des sites ultra-populaires comme YouTube, Facebook ou Reddit bénéficient de plus en plus de trafic de la part de ChatGPT, Google restent très largement leader. Pour d’autres domaines, le trafic en provenance de ChatGPT est supérieur à celui provenant de Google. C’est par exemple le cas de plateformes très spécialisées autour de l’IA ou de la programmation.
En comparant ChatGPT à Bing, on remarque un certain nombre de sites académiques ou institutionnels (Springer, MDPI, WHO, Blackboard, Python.org, etc.) qui reçoivent proportionnellement plus de visites de ChatGPT que de Bing.
Ce contraste suggère que ChatGPT est un vecteur notable de trafic pour la recherche académique et l’éducation, davantage que Bing. Cette caractéristique fait écho au profil démographique des utilisateurs de ChatGPT, que nous allons étudier plus en détail.
En agrégeant les sessions post-ChatGPT, on voit clairement quels secteurs reçoivent le plus de visites : services en ligne (près de 10 millions de sessions), éducation et formations à distance (9 millions de sessions cumulées), Informations technologiques (7,8 millions de sessions combinées)
Les chiffres témoignent de l’appétit des utilisateurs de ChatGPT pour les outils pratiques, les plates-formes d’apprentissage, ainsi que les ressources techniques. Les secteurs plus traditionnels (retail, finance, santé) apparaissent, mais avec un volume moindre.
Qui utilise ChatGPT comme moteur de recherche ?
Pour aller plus loin, Semrush a examiné le profil démographique des visiteurs de ChatGPT.com, comparé à celui de Google.com, en décembre 2024.
Google reste champion de la portée globale avec 6,5 milliards de visiteurs uniques dans le monde au cours du mois de décembre 2024 et une démographie extrêmement large, couvrant pratiquement toutes les tranches d’âge et catégories socio-professionnelles.
ChatGPT séduit un public jeune et étudiant avec 566 millions de visiteurs uniques dans le même mois, ce qui reste considérable pour une plateforme encore relativement nouvelle. On note une surreprésentation des 18-24 ans et des étudiants, davantage que chez Google et un public légèrement plus masculin.
Ce profil explique notamment la popularité des contenus éducatifs et académiques sur ChatGPT, et souligne une réelle opportunité pour les établissements d’enseignement, qui peuvent étendre leur portée en proposant des contenus adaptés à la génération IA.

Enjeux et recommandations pour la stratégie SEO
Cette mutation vers un modèle de recherche conversationnel bouscule nos repères SEO classiques. Comme le souligne Crystal Carter (Head of SEO Communications chez Wix Studio) :
« En SEO, nous n’avons pas besoin d’abandonner nos tactiques traditionnelles, mais de les faire évoluer. Auparavant, nous nous concentrions sur la crawlabilité, l’indexabilité et la “rankability”. Désormais, nous devons y ajouter la “retrievability” (récupérabilité) : s’assurer que les informations essentielles sur nos marques sont disponibles, accessibles et prioritaires pour les LLMs. Ce qui fonctionne, c’est d’avoir du contenu indexé, des sites structurés et d’alimenter les knowledge graphs qui nourrissent les modèles. ».
On peut ainsi imaginer 3 évolutions majeures
- Redistribution du trafic : ChatGPT oriente davantage vers des contenus éducatifs, académiques et techniques. Les entreprises ou institutions de ces domaines ont une opportunité unique de toucher un public plus large que via Bing.
- Transformation du comportement de requête : 70 % des requêtes ChatGPT échappent aux standards SEO (elles n’existent pas dans la base de mots-clés habituelle). Les marques doivent penser à des formats et des sujets adaptés à la co-création et à la conversation avec l’IA.
- Évolution de la cible : ChatGPT attire une audience plus jeune et plus studieuse, potentiellement en quête de tutoriels, de conseils ou d’approches plus “créatives”.
Comment adapter sa stratégie SEO ?
- Optimiser les contenus de type liste : les articles sous forme de liste ont un fort potentiel de réutilisation par ChatGPT.
- Soigner la structuration et la sémantique : la “retrievability” impose d’avoir des contenus bien formatés, balisés (schéma, balises Hn, etc.), afin de faciliter l’identification et la réutilisation par les modèles.
- Créer une présence de marque reconnue : même si ChatGPT peut ne pas toujours générer des clics directs, l’apparition de la marque dans les réponses constitue un important levier de branding.
- Anticiper l’évolution des LLM : à terme, ChatGPT et d’autres IA comment Perplexity, pourraient crawler le web selon leurs propres règles, avec des chemins encore différents. Mettre en place une veille technologique et stratégique continue est essentiel.
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