Avec Deepseek et Qwen, la Chine veut imposer sa vision du monde
Publié le 3 février 2025
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Le 20 janvier 2025, la start-up chinoise DeepSeek a surpris le monde en dévoilant une IA générative capable de rivaliser avec les géants américains pour une fraction du coût. Quelques jours plus tard, Alibaba renforce l’offensive en lançant Qwen, un modèle encore plus ambitieux. Ces deux coups d’éclat remettent en question l’hégémonie technologique occidentale tout en soulevant d’importantes interrogations éthiques et économiques. Alors que DeepSeek est accusé de désinformation et de censure, le choix se pose désormais entre performance économique et intégrité informationnelle. La véritable guerre de l’IA est engagée, et l’avenir de la souveraineté numérique semble se jouer ici.
DeepSeek & Qwen : La double offensive chinoise qui secoue la Silicon Valley
DeepSeek a débarqué comme un coup de poing en pleine figure à la Silicon Valley. En lançant son modèle le 20 janvier 2025, cette start-up chinoise a défié les géants américains en proposant une intelligence artificielle qui ne coûte qu’une fraction de ce que demandent ses concurrents. Mais la déflagration ne s’arrête pas là. À peine quelques jours après le coup d’éclat de DeepSeek, Alibaba débarque avec Qwen2-5, son propre modèle d’IA. Nouvel uppercut : Qwen est conçu pour être encore plus efficace, le tout intégré dans un écosystème cloud ultra-performant, permettant également de générer des images ou des vidéos de qualité.
L’impact économique de cette offensive chinoise se fait sentir avec une violence inouïe sur les marchés américains. Dès l’annonce fracassante de DeepSeek, la panique s’est emparée des investisseurs, avec Nvidia qui a vu sa capitalisation boursière s’effondrer de près de 600 milliards de dollars en une seule journée, un coup de massue pour un leader pourtant incontournable dans le secteur des GPU. Microsoft et Alphabet n’ont pas été épargnés, leurs actions dégringolant également, témoignant de la perte de confiance face à une concurrence qui redéfinit les règles du jeu.

Cette débâcle boursière expose une autre vérité : la stratégie occidentale, fondée sur des investissements colossaux dans des technologies ultra-premium, n’est plus à l’abri des secousses d’un marché qui reconnaît l’efficacité de la frugalité. Face à ce séisme financier, la Silicon Valley se voit obligée de repenser ses priorités, alors même que l’innovation chinoise, avec ses coûts dérisoires et ses performances redoutables, semble remettre en question le modèle économique traditionnel de la tech.
Les IA chinoises prouvent qu’on peut en faire plus avec beaucoup moins. Là où des géants comme OpenAI déboursent des centaines de millions, voire des milliards de dollars pour entraîner leurs modèles sur des puces de dernière génération, DeepSeek et Qwen montrent qu’il est possible de se contenter de ressources bien moins coûteuses (on parle ici d’un investissement d’environ 6 millions de dollars, à confirmer) et de puces moins récentes, tout en obtenant des performances qui rivalisent avec les meilleures IA du marché. Ce modèle d’optimisation, fondé sur des techniques innovantes, prouve qu’il n’est pas nécessaire de vider ses caisses pour atteindre des niveaux d’excellence.
Et avec un budget aussi modeste, l’Europe ne peut plus se cacher derrière l’excuse du manque de moyens ; c’est peut-être le signal d’une prise de conscience salvatrice, qui montre que même avec des ressources limitées, il est aussi possible de jouer dans la cour des grands.
La guerre des biais, de la désinformation et de la censure
La véritable bataille se joue aujourd’hui sur le terrain invisible des algorithmes, où chaque ligne de code peut devenir l’arme d’un agenda idéologique. Dans ce contexte, l’IA n’est plus seulement un outil de productivité ou d’analyse, elle est le nouveau champ de bataille pour le contrôle de l’information.
Les modèles chinois, en particulier, se distinguent par une approche qui va bien au-delà de la simple efficacité technique : ils imposent un biais systématique, véhiculant la vision officielle du gouvernement, et se font l’écho d’une politique de censure qui, en surface, semble rigoureuse, mais qui, en réalité, expose toute une stratégie de manipulation des données et de la perception publique.
Selon un audit de Newsguard publié le 30 janvier 2025, dans 35 % des cas, Deepseek diffusait de la désinformation, tandis que 60% des réponses étaient formulées selon la position officielle de Pékin. Et à peu de choses près, c’est pareil pour Qwen.

Si l’Occident se targue d’une supposée neutralité, force est de constater que ses propres intelligences artificielles ne sont pas exemptes de préjugés et de stéréotypes, ne soyons pas naïfs sur ce sujet. Pourtant, là où les modèles occidentaux se contentent souvent de masquer, plus ou moins subtilement, leurs partis pris derrière des mécanismes de modération « soft », les IA chinoises vont jusqu’à imposer des refus catégoriques sur des sujets sensibles.
Cette approche de la censure ne se limite pas à une application locale ; elle s’inscrit dans une logique de souveraineté numérique. En imposant des filtres stricts et en orientant les réponses de manière à effacer toute critique ou tout questionnement sur des sujets jugés « tabous », qu’il s’agisse de la situation à Taiwan, du massacre de Tiananmen ou des abus dans des régions controversées, ces systèmes deviennent des instruments de propagande. Ils forcent leurs utilisateurs à consommer une information uniformisée, où la diversité des opinions est étouffée par un biais constant et prévisible. La conséquence ? Une homogénéisation de l’information qui menace la pluralité des idées et la liberté d’expression, piliers mêmes de toute démocratie.
Une IA qui impose une vision uniformisée et censurée des faits risque de devenir un outil de domination culturelle, politique et économique. C’est un instrument de soft power, capable de redéfinir les normes et de réécrire l’histoire en fonction d’intérêts géopolitiques.

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Et les entreprises dans tout ça ?
Face à cette réalité, il est impératif pour les nations et les entreprises de repenser leur approche de l’IA. Plutôt que de se contenter de défendre des systèmes opaques et coûteux, il faut promouvoir des solutions où la transparence et la possibilité de débattre des biais sont intégrées dès la conception. Le véritable défi n’est pas uniquement de créer des IA performantes, mais de garantir qu’elles soient ouvertes à la critique et à l’amélioration continue. La capacité à modifier, à corriger ou à débattre des réponses générées est essentielle pour préserver l’intégrité de l’information et, par extension, la souveraineté numérique.
Du côté des entreprises utilisatrices, le dilemme est de taille. Comment choisir entre des solutions occidentales, qui affichent une prétendue neutralité mais coûtent une fortune et restent elles-mêmes entachées de biais et de stéréotypes, et ces modèles chinois, dont le prix dérisoire cache une orientation idéologique et une volonté manifeste de relayer des messages de propagande ? La pression sur les budgets et la compétitivité économique oblige de plus en plus d’entreprises à réévaluer leurs priorités.
Il est temps que nous, citoyens et acteurs de la transformation numérique, prenions conscience que l’IA n’est pas un simple outil technique, mais un levier de pouvoir capable de modifier notre perception de la réalité. La question n’est plus de savoir si nous voulons une IA performante, mais si nous sommes prêts à sacrifier notre liberté d’information sur l’autel de l’efficacité économique. La bataille pour une information libre, pluraliste et transparente est lancée et il n’y a pas de compromis acceptable entre rentabilité et intégrité.
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