Google AI Overview : comment les rédactions peuvent s’adapter ?
Publié le 9 juillet 2025
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Depuis que Google a généralisé ses AI Overviews (AIO), ces résumés dopés à Gemini tout en haut des résultats de recherche, les chiffres de trafic s’évaporent. Jusqu’à –60% dans certains médias lifestyle. Le tout dans un silence feutré. Résultat : un web de plus en plus vu, mais de moins en moins cliqué. Autopsie d’un basculement, et premiers remèdes pour riposter.
Quand Google fait le ménage dans vos clics
Tout commence le 10 mai 2023, au Google I/O. Sundar Pichai, CEO de la firme de Mountain View, monte sur scène avec une déclaration passée presque inaperçue en dehors des cercles techniques : « Nous réimaginons l’ensemble de nos produits à la lumière de l’IA. Search inclus. ». La phrase est lourde de sens : après des années à dominer le web grâce au lien hypertexte, Google veut passer à l’ère de la réponse directe générée par modèle de langage. Le tout propulsé par Gemini, son modèle propriétaire, concurrent de GPT-4.
Au départ, c’était une expérimentation discrète, nichée au cœur des Search Labs, réservée aux curieux qui avaient levé la main. Un test grandeur nature, disait-on, destiné à « réinventer la recherche ». Mais dès l’instant où la Search Generative Experience, alias SGE, a glissé hors de son bac à sable pour devenir l’interface par défaut de Google, le sort du web éditorial était scellé. Car deux ans plus tard, au printemps 2025, cette logique s’impose dans plus de 200 pays, sur mobile comme sur desktop, en plus de 40 langues. Le virage n’est plus expérimental. Il est mondial.
Pour Google, cette nouvelle vitrine devait « simplifier la recherche » et « gagner du temps ». Mais dans les couloirs des rédactions, un autre mot commence à circuler : détournement. L’IA de Google, nourrie des contenus produits par les éditeurs, en extrait la substantifique moelle… sans que le lecteur ait à visiter leurs sites. Ce n’est plus une porte vers l’information, c’est un sas pressurisé. L’œil voit, le clic s’évapore.
Dans les semaines qui suivent, les chiffres tombent, brutaux. BrightEdge observe une hausse de 49% des impressions sur Google, mais une chute de 30% des clics sur les résultats classiques. Chez Ahrefs, on note que le site classé en première position, naguère sésame du SEO, perd 34,5 % de son trafic lorsque s’affiche un AI Overview. Un éditeur britannique résume le désarroi : « On est toujours premiers… mais personne n’entre. ».
Il y a là quelque chose de profondément ironique. Pendant des années, les journalistes ont appris à parler aux algorithmes, à structurer leurs articles, affiner leurs titres, enrichir leurs contenus pour espérer figurer dans les premiers résultats. Aujourd’hui, c’est cette maîtrise-là que l’IA utilise… pour rendre le clic inutile.
Derrière cette bascule technologique, se joue en réalité une reconfiguration du pouvoir. Google n’est plus un guide. Il devient un interprète. Il ne montre plus la voie vers l’information, il la reformule. Et dans ce glissement subtil, l’économie de l’attention se referme comme un piège : celui qui agrège devient celui qui capte. Et celui qui produit, devient celui qui attend (en vain) que l’audience revienne.
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Une presse à l’arrêt, des revenus sous perfusion
Les premiers à tirer la sonnette d’alarme n’ont pas été les plus petits. En avril 2025, Business Insider voit chuter son trafic organique de plus de la moitié par rapport à trois ans plus tôt. Même diagnostic chez Mail Online, l’un des sites d’info les plus lus du Royaume-Uni : dès qu’un AI Overview s’affiche en tête des résultats, leur taux de clic plonge à 5%. Sur mobile, c’est pire encore. La position de tête ne garantit plus rien. Pire : elle devient un mirage. Le titre est vu, mais plus visité.
Ce phénomène n’est pas un accident de parcours. C’est un glissement structurel. La presse en ligne, jusque-là accrochée aux caprices du SEO comme un alpiniste à sa corde, perd soudain son ancrage. Le lien hypertexte, socle du web depuis 30 ans, est en train de se dérober. Et avec lui, tout un modèle économique fondé sur la visibilité, le clic, la monétisation.
Car lorsque les visiteurs ne viennent plus, les annonceurs s’éclipsent. Les CPM dévissent. Les régies resserrent les conditions. Les pigistes sautent les uns après les autres. Et pendant ce temps, Google dégaine sa rustine : un module de micropaiement intégré à la page de résultats, l’Offerwall, lancé à l’été 2025 pour offrir aux éditeurs quelques miettes de revenus en échange de contenus verrouillés. Une manière habile de jouer les pompiers après avoir allumé l’incendie.
Le remède, pourtant, tient plus de la poudre aux yeux que de la solution pérenne. Les premiers tests évoquent un gain de 9% sur certaines régies partenaires. Mais ce chiffre, en soi, dit tout : le système vacille, et les outils proposés ne font que ralentir la chute.
Dans l’ombre des grands titres, ce sont aussi les rédactions régionales, les blogs thématiques, les sites spécialisés, ceux qui vivaient d’un flux stable de lecteurs organiques, qui voient leur équilibre menacé. Une lente asphyxie. Moins spectaculaire, mais plus dangereuse encore : celle d’un écosystème qui s’essouffle parce que le robinet, désormais, est aux mains d’un seul acteur. Et que celui-ci ne daigne l’ouvrir qu’au compte-goutte.
L’ère GEO : comment certains médias apprennent à nourrir l’IA
Face à l’effondrement du trafic, il aurait été tentant de s’en remettre au déni. D’y voir une mauvaise passe, un bug passager, un algorithme mal calibré qu’on corrigerait à coups de mots-clés. Mais très vite, certains éditeurs ont compris que le jeu avait changé. Et que la réponse n’était plus dans le SEO tel qu’on l’avait connu, mais dans une nouvelle discipline : l’optimisation pour les moteurs génératifs.
Pas seulement pour Google. Pour ChatGPT, pour Bing Copilot, pour Perplexity, pour tous ces nouveaux agents qui ne proposent pas un lien, mais une réponse. Le GEO, comme on l’appelle désormais dans les cercles avertis (Generative Engine Optimization) ne cherche plus à attirer le clic. Il vise plus haut, ou plus profondément : devenir la matière première des IA. Être le contenu cité, reformulé, repris. Même sans retour immédiat. Même sans audience visible.
Ce n’est plus une guerre de positions, c’est une guerre d’influence. Et dans ce jeu-là, ce que l’on injecte dans la machine compte plus que la place que l’on occupe sur l’écran. C’est une révolution silencieuse : on n’écrit plus seulement pour un lecteur humain, on écrit aussi, parfois surtout, pour un lecteur algorithmique.
Dans les rédactions les plus agiles, cette bascule a un nom, un jumeau : le GSO, Generative Search Optimization, qui se concentre davantage sur les IA intégrées aux moteurs de recherche, notamment l’AI Overview de Google. Là, l’enjeu est d’être inclus dans le snapshot généré, cette synthèse que l’utilisateur lit… sans cliquer. Optimiser les structures, anticiper les requêtes, formuler des phrases qui résistent à la paraphrase automatique. Bref : parler la langue du modèle.
Certains médias l’ont compris avant les autres. Ils ont commencé à baliser leurs contenus autrement, à intégrer des données propriétaires, à produire des formats différents, des lives, des chroniques signées, des newsletters à forte personnalité. Ils surveillent désormais non plus seulement leur trafic, mais leur part de voix dans les réponses générées. Combien de fois suis-je cité ? Où ? Avec quel ton, quelle exactitude ?
À travers ce changement de paradigme, une idée simple s’impose : il ne suffit plus d’être bon. Il faut être indispensable à l’IA. Lui offrir ce qu’elle ne peut produire seule. L’éclairer, la compléter, l’obliger à vous mentionner. Comme le résumait récemment un consultant américain en stratégie éditoriale : « Hier, on voulait séduire le moteur. Aujourd’hui, il faut l’alimenter. » Ce n’est pas une formule. C’est une survie.
Se former, ou se faire formater
Le plus grand piège, face à cette mutation du paysage éditorial, serait de croire que tout cela ne nous concerne pas. Que l’IA générative, c’est pour les autres : les gros titres, les data-journalistes, les patrons de plateformes. Et pourtant, chaque journaliste, chaque rédacteur est déjà affecté, souvent sans le savoir. Parce que ce n’est plus vous qui tenez la plume. C’est un modèle qui synthétise. Et ce modèle, à défaut de compréhension, vous synthétisera aussi.
On croyait avoir du temps. C’est fini. La transformation ne se prépare plus : elle est en cours. Dans la rédaction, dans la SERP, dans les algorithmes d’agrégation. L’enjeu, désormais, n’est pas d’accepter ou non l’intelligence artificielle, mais de décider quelle place on y prend. Observateur ? Victime ? Ou acteur éclairé de sa propre mutation ?
Apprendre à manier ces outils, ce n’est pas céder. Ce n’est pas renoncer à l’éthique, à la rigueur, à l’intuition. C’est tout l’inverse. C’est se doter de la lucidité technique nécessaire pour comprendre quand un modèle hallucine, quand une source n’est pas fiable, quand une réponse sonne trop bien pour être juste. C’est reconquérir du temps éditorial là où les machines peuvent assister : synthétiser un rapport, générer un plan d’article, reformuler un texte sans le vider de sa substance.
Mais cela ne s’improvise pas. Un bon prompt n’est pas une formule magique ; c’est une intention claire, une structure pensée, un œil critique en veille constante. Un assistant IA efficace ne remplace pas un rédacteur, mais peut relire, comparer, proposer, à condition d’être conçu sur mesure, et non plaqué en urgence.
C’est pour cela que certaines rédactions, plutôt que d’attendre l’impact, choisissent d’anticiper la trajectoire. En formant leurs équipes. En testant des workflows. En confrontant la technique à la déontologie. C’est l’ambition d’une journée comme « Journalistes : informez à l’ère de l’IA sans sacrifier la rigueur » : poser les bases, sans raccourci, sans solutionnisme. Prompter, oui. Vérifier, encore plus. Générer, mais surtout éditer.
À la fin, il ne s’agit pas (seulement) d’aller plus vite. Il s’agit de publier juste. De ne pas perdre sa voix dans le bruit des machines. Et de se rappeler que dans le tumulte des algorithmes, ce qui fera toujours la différence, ce n’est pas la technologie. C’est ce qu’on choisit d’en faire. Et cela, personne ne le fera à notre place.
La question elle est vite répondue !
1. Qu’est-ce que Google AI Overview et pourquoi fait-il chuter le trafic des sites médias ?
Google AI Overview (ou AIO) est une fonctionnalité de Google qui affiche une réponse générée par l’intelligence artificielle directement en haut des résultats de recherche. Résultat : l’internaute obtient l’info sans cliquer, ce qui réduit considérablement le trafic vers les sites d’information. Certaines rédactions enregistrent jusqu’à –60% de clics.
2. Quelle est la différence entre AI Overview, SGE et le moteur de recherche classique ?
La Search Generative Experience (SGE), devenue AI Overview, remplace les traditionnels “liens bleus” par des réponses synthétiques. Contrairement au moteur classique qui renvoyait vers les sites, AIO résume et reformule les contenus à la place du lecteur.
3. Quels types de sites sont les plus touchés par cette baisse de trafic ?
Les sites d’actualités, lifestyle, cuisine, santé, voyage, ou encore les blogs thématiques sont parmi les plus impactés. À l’inverse, les contenus transactionnels (e-commerce) sont pour l’instant relativement épargnés.
4. Que signifient GEO et GSO dans le contexte de l’IA générative ?
GEO (Generative Engine Optimization) vise à optimiser un contenu pour qu’il soit utilisé par des moteurs d’IA comme ChatGPT, Perplexity ou Copilot. GSO (Generative Search Optimization) s’adresse spécifiquement aux IA génératives intégrées dans les moteurs de recherche comme Google AI Overview. Les deux approches visent à être cités, même sans clic.
5. Comment mesurer sa présence dans les réponses générées par l’IA ?
Au-delà du trafic, les rédactions commencent à suivre leur “part de voix” dans les réponses générées : fréquence de citation, exactitude, ton utilisé. Des outils émergent pour tracker ces mentions dans ChatGPT, Gemini ou Bing.
6. Quels contenus résistent le mieux à l’aspiration par les IA ?
Les formats difficilement résumables ou fortement incarnés : chroniques, tribunes, live-blogs, newsletters à forte tonalité éditoriale, données exclusives ou propriétaires. L’enjeu : produire ce que l’IA ne peut pas (encore) synthétiser correctement.
7. Le SEO est-il mort avec l’arrivée d’AIO ?
Pas mort, mais transformé. Il faut désormais penser en termes de GSO/GEO et ne plus viser uniquement la première position, mais la capacité à être intégré dans les réponses générées, ou à créer des contenus hors du champ d’aspiration.
8. Comment former sa rédaction, ses journalistes ou ses rédacteurs à ces nouveaux enjeux IA ?
En misant sur des formations concrètes, centrées à la fois sur les usages, les méthodes de prompt, les outils génératifs, et la vérification de l’info. La formation « Journalistes : informez à l’ère de l’IA sans sacrifier la rigueur » proposée par Tous les Jeudis répond précisément à ce besoin.
9. Peut-on créer son propre assistant IA pour rédacteur ou journaliste ?
Oui. C’est même un des axes abordés dans la formation Tous les Jeudis : comment concevoir un assistant éditorial sur mesure, capable de relire, reformuler ou suggérer des titres, tout en restant conforme aux exigences de la rédaction.
10. Est-ce trop tard pour s’adapter à l’ère de l’IA générative ?
Pas encore. Mais attendre revient à céder du terrain aux plateformes. Mieux vaut anticiper, expérimenter, se former et structurer sa réponse éditoriale à la lumière de ce nouveau contexte, plutôt que de réagir trop tard face à la chute.
Grégory JEANDOT
Consultant sr et Formateur IA
Avec un langage simple (et non simpliste), Grégory décrypte l’univers de l’IA générative. Pas de sémantique complexe ou d’approche trop verbeuse : l’objectif est de faire monter tout le monde en compétence !