Comment rédiger une charte d’utilisation de l’IA générative en entreprise ?
Publié le 22 mars 2025
Écouter une version audio de cet article
Oui, cet article est long. Très long. Par contre une chose est sûre : chaque paragraphe est essentiel pour bien comprendre les enjeux, les risques et les éléments clés à intégrer dans une charte IA pour les entreprises. Allez, ne perdons pas de temps sur l’introduction : bonne lecture et bon courage…
Les risques d’utiliser l’IA en roue libre
L’IA générative, c’est une belle avancée. Mais sans cadre, c’est aussi une prise de risque sérieuse. Elle peut produire du contenu erroné, biaisé ou confidentiel sans que personne ne s’en rende compte. Et plus elle est utilisée, plus ces risques deviennent systémiques. Elle peut inventer des faits, reprendre des données sensibles, ou encore générer des images et textes qui posent des problèmes juridiques ou éthiques. Sans gouvernance claire, ces dérives passent souvent inaperçues… jusqu’au jour où elles coûtent cher. Si personne ne fixe de règles, l’entreprise s’expose à des erreurs coûteuses. Voici les principaux pièges à connaître (et à éviter).
Fuites de données sensibles : le risque invisible
Un collaborateur bien intentionné veut gagner du temps et copie-colle le compte-rendu d’une réunion interne dans ChatGPT pour en faire un résumé. Problème : ces données confidentielles viennent d’être envoyées à un outil externe, qui peut très bien les stocker, les analyser, ou s’en servir pour entraîner ses modèles. Discrètement. Et même si l’utilisateur à coché la petite case rassurante indiquant qu’il ne souhaite pas que ces données soient utilisées par un l’IA, qu’en est-il vraiment ? Sans encadrement, ce type de pratique peut devenir courant… et passer complètement sous les radars. La confidentialité est alors compromise. D’où l’importance d’une charte claire, qui interdit la transmission non autorisée de données stratégiques et définit des règles de protection.
Données personnelles et RGPD : la ligne rouge
L’IA générative manipule de la donnée, souvent à caractère personnel. Si un employé fournit, sans précaution, des noms de clients, des adresses email ou des infos identifiables à un outil d’IA, il viole potentiellement le RGPD. Surtout si ces données finissent stockées en dehors de l’UE. Prenons un exemple : demander à une IA de rédiger une proposition commerciale en lui envoyant une liste de prospects avec leurs coordonnées. Sans consentement explicite ou base légale solide, c’est illégal. La charte doit rappeler noir sur blanc qu’aucune donnée personnelle ne doit transiter par ces outils sans anonymisation et conformité stricte.
Biais algorithmiques : ce que l’IA reproduit sans filtre
Les IA génératives apprennent à partir de données existantes. Et ces données ne sont pas exempte de biais, bien au contraire. Résultat : elles peuvent reproduire des stéréotypes sans même que cela ne saute aux yeux. Exemple : un générateur d’images qui associe automatiquement le mot “CEO” à un homme blanc en costume. Ou un outil qui rédige des offres d’emploi avec des formulations discriminantes. Ce n’est pas volontaire, mais c’est problématique. Il faut donc sensibiliser les utilisateurs, vérifier les contenus générés, et tester régulièrement les outils pour éviter les dérives.
Hallucinations : quand l’IA invente avec aplomb
L’IA générative peut se tromper. Mais elle le fait avec assurance. Elle peut “halluciner” des faits, des références ou des données qui n’existent pas, sans aucun signal d’alerte. Et si un collaborateur prend ces réponses pour argent comptant, il peut diffuser de fausses informations, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise. Un exemple concret : un commercial qui répond à une question technique à l’aide d’une IA, sans vérifier. Le client reçoit une mauvaise information, et c’est la crédibilité de l’entreprise qui en pâtit. La règle est simple : vérifier systématiquement. L’IA est un outil d’aide, pas une source d’autorité.
Droit d’auteur : le flou artistique
Un salarié demande du code à une IA, ou génère une image dans le style d’un artiste connu. Ce qu’il obtient peut très bien enfreindre le droit d’auteur, sans qu’il en ait conscience. Du contenu sous licence peut être intégré dans la réponse, sans mention, sans source, sans avertissement. Si ce contenu est ensuite utilisé tel quel, l’entreprise peut se retrouver en situation d’infraction. Pour éviter ça, la charte doit poser des règles claires : vérifier la provenance, utiliser des contenus libres de droits ou originaux, respecter les conditions des outils utilisés. Le “c’est généré par l’IA donc c’est libre” est un mythe.
Perte d’expertise : la tentation du tout-IA
L’un des risques les plus insidieux : la dépendance et une paresse intellectuelle qui s’immisce, l’air de rien, dans les équipes. Si les utilisateurs prennent l’habitude de tout déléguer à l’IA, elles finissent par perdre la main. Compétences en rédaction, en relation client, en réflexion stratégique… Tout s’émousse. Prenons l’exemple d’un service client qui s’appuie exclusivement sur un chatbot. Au bout de quelques mois, plus personne ne sait vraiment gérer un échange complexe avec un client. Aussi extraordinaire qu’elle soit, l’IA doit rester une assistante. La charte peut encourager un usage équilibré, et recommander la formation continue pour maintenir les savoir-faire.

Nos formations IA générative
Explorez les origines de l’IA, ses enjeux éthiques et apprenez à interagir avec les IA génératives pour en tirer le meilleur parti. Cette formation exclusive vous offre la possibilité de progresser dans un secteur technologique en plein essor.
Traitement des données sensibles : recommandations concrètes pour éviter les mauvaises surprises
S’il y a bien un sujet à ne pas prendre à la légère quand on parle d’IA générative, c’est la gestion des données sensibles. Données internes, infos personnelles, secrets commerciaux… Il suffit d’un prompt mal pensé pour que ces informations se retrouvent entre de mauvaises mains. La solution ? Un cadre clair, une charte d’usage bien pensée, et surtout, des consignes concrètes pour que chacun puisse tirer parti de l’IA sans compromettre la sécurité.
Anonymiser les données personnelles : une règle de base
Avant de soumettre quoi que ce soit à un outil d’IA, tout ce qui permet d’identifier une personne doit disparaître. Noms, adresses, numéros de téléphone, emails… tout doit être retiré ou remplacé. Un exemple simple : Plutôt que de transmettre « Monsieur X, PDG de Y, joignable au 06… résidant à telle adresse », on reformule en « Client, fonction, téléphone » ou tout autre substitut neutre. Ce n’est pas du zèle : c’est une mesure de bon sens.
Même logique pour les données sensibles d’un point de vue business : chiffres non publics, détails d’un prototype, éléments différenciants. Si ces informations doivent être utilisées, elles doivent être généralisées, masquées ou neutralisées. Pourquoi ? Parce que même en cas de fuite accidentelle, des données anonymisées ne peuvent pas être rattachées à une personne ou à un projet stratégique. C’est l’assurance d’éviter une situation de crise évitable.
Ne donner que l’essentiel : la logique du minimum nécessaire
Il est tentant de tout copier-coller dans l’IA pour gagner du temps. Mauvaise idée. Moins elle en sait, mieux c’est. La règle d’or : ne transmettre que ce qui est strictement nécessaire à la tâche. Besoin de reformuler un passage ? Extraire le paragraphe concerné suffit — pas besoin de tout le document, surtout s’il contient des infos sensibles ailleurs.
Même chose pour des analyses de données : inutile d’envoyer une base complète si quelques lignes ou une version agrégée suffisent. Cette discipline, appelée principe du moindre privilège, réduit drastiquement l’exposition au risque.
Reformuler avant de soumettre : une bonne habitude à prendre
Autre réflexe à développer : la reformulation manuelle. Face à un contenu délicat (ex. : email client, incident technique, réclamation stratégique), mieux vaut ne jamais envoyer le texte brut tel quel. Exemple : Au lieu de : « Notre client ACME a un problème sur le produit Z version 3.2 livré le 10 janvier… », on préfère : « Comment expliquer un incident sur un produit livré à un client important, lorsque celui-ci rencontre un problème technique inattendu ? » L’IA comprend le contexte, propose une réponse générique, et l’entreprise ne dévoile rien de concret. On gagne du temps sans sacrifier la confidentialité.
Travailler dans des environnements sécurisés : la voie royale
Certaines entreprises ont fait le choix d’investir dans des modèles IA internes, ou d’utiliser des instances sécurisées, hébergées localement ou dans des clouds souverains. Dans ces cas-là, il est possible d’utiliser l’IA sur des données sensibles avec une bien plus grande tranquillité d’esprit. Un chatbot interne, par exemple, peut être alimenté avec la documentation juridique de l’entreprise et rester cloisonné, sans aucun transfert de données vers l’extérieur.
Évidemment, tout le monde ne dispose pas encore de cette infrastructure. Mais pour les cas d’usage sensibles (juridique, RH, R&D…), c’est une direction stratégique à envisager. La charte peut encourager l’utilisation de ces outils “validés DSI”, avec chiffrement, garanties de confidentialité et paramètres de réutilisation désactivés.
Lire (vraiment) les conditions d’utilisation des outils tiers
Si l’entreprise autorise l’usage d’outils comme ChatGPT, DALL·E, Midjourney, etc., alors elle doit imposer la lecture des CGU. Ce n’est pas une formalité : c’est une question de responsabilité. Chaque collaborateur doit être conscient de ce que fait l’outil avec ses entrées : Où sont stockées les données ? Pendant combien de temps ? Qui peut y accéder ? Est-ce que l’entreprise garde des droits sur les contenus générés ?
La DSI ou le service juridique peut aider en créant une liste blanche d’outils autorisés et correctement paramétrés. Cette liste peut être accompagnée de fiches pratiques résumant les risques, les précautions et les usages recommandés.

Encourager une culture d’expérimentation… mais avec un cadre
Une charte d’usage de l’IA générative ne doit surtout pas devenir un frein à l’expérimentation et l’innovation. Son rôle n’est pas de faire peur ni de dissuader, mais d’ouvrir un terrain de jeu balisé. L’objectif est clair : que chacun puisse explorer ces nouveaux outils, tester des idées, trouver des gains de productivité tout en respectant un cadre éthique et sécurisé.
Pourquoi cette approche est-elle indispensable ?
Parce que vouloir bloquer l’IA ou la diaboliser serait tout simplement contre-productif. On le sait : quand il n’y a pas de règles, il y a deux types de réactions. Certains collaborateurs préfèrent ne rien tenter de peur de faire une erreur. D’autres, au contraire, utilisent déjà ces outils… mais en cachette. C’est ce qu’on appelle le Shadow IA : des usages non déclarés, hors contrôle, souvent mal maîtrisés, qui exposent l’entreprise à des risques invisibles. Et ce n’est pas une vue de l’esprit. Plusieurs études internes ont montré que sans directives claires, des salariés exploitent déjà des IA génératives au quotidien, sans en informer ni leur manager ni la DSI.
Plutôt que de fermer les yeux ou de faire comme si ça n’existait pas, autant poser les règles du jeu : ce qui est permis, ce qui est accompagné, et ce qui ne l’est pas. L’IA n’est plus un tabou : on l’intègre, on l’explique, on l’encadre.
Lever les peurs, clarifier les intentions
L’autre bénéfice majeur de cette culture d’expérimentation encadrée, c’est qu’elle permet de désamorcer les craintes liées à l’arrivée de l’IA. Dans beaucoup d’organisations, certains collaborateurs expriment une anxiété bien réelle : “Est-ce que l’IA va remplacer mon poste ?” ou “Est-ce qu’on me demande de devenir un expert technique du jour au lendemain ?” Ces inquiétudes, même si elles sont souvent infondées, doivent être prises au sérieux.
Dès le départ, le message doit être clair : L’IA est là pour assister, pas pour remplacer. Elle ne sera jamais imposée, mais utilisée de façon responsable, transparente et équitable. Cette posture apaise le climat et permet une adoption progressive, basée sur la confiance et la pédagogie.
Communication ouverte : informer pour impliquer
Dès la publication de la charte, il faut organiser des sessions d’information accessibles, engageantes et concrètes. Objectif : montrer les opportunités de l’IA générative dans le quotidien professionnel (rédaction accélérée, aide à la prise de décision, génération d’idées, amélioration du service client, etc…)
C’est aussi l’occasion de présenter des exemples de réussites internes ou inspirants. Par exemple : “Le service marketing a doublé sa production de contenus grâce à un assistant rédactionnel IA, tout en gardant un contrôle qualité humain.” Ce genre de retour donne envie d’essayer. Il montre que l’entreprise valorise les initiatives, à condition qu’elles respectent les règles du jeu.
Le droit à l’erreur… encadré
Une véritable culture d’expérimentation suppose le droit à l’échec. Oui, on a le droit de tester. Oui, on peut se tromper. Mais à une condition : que cela se fasse dans un environnement sécurisé. On peut, par exemple, mettre en place un espace de test dédié (sandbox), où les collaborateurs peuvent expérimenter des outils, automatiser une tâche ou explorer une nouvelle méthode, sans conséquence immédiate sur les processus de production.
Exemple : un collaborateur propose un projet pilote d’automatisation via IA. Il utilise des données fictives, valide les résultats à part, puis présente ses conclusions. Si l’essai est concluant, il pourra être intégré. S’il échoue, rien de grave : tout a été fait dans les règles. Cette approche encourage l’audace responsable. On tente, on apprend, on progresse.
Une vraie culture du retour d’expérience
Tester, c’est bien. Partager, c’est encore mieux. Pour que l’expérimentation profite à tous, la charte peut encourager des temps d’échange réguliers : un canal de discussion interne dédié à l’IA, des “Petits dej’ IA” mensuels où chacun peut partager un usage, une réussite ou un blocage, des mini-ateliers où un collaborateur présente ce qu’il a testé dans son service…
Ces échanges permettent de diffuser les bonnes pratiques, d’identifier collectivement les points de vigilance et de renforcer l’intelligence collective. Ils jouent aussi un rôle éthique : si un usage soulève une question délicate (par exemple, générer une vidéo deepfake pour un usage interne), il vaut mieux en parler à plusieurs plutôt que de le gérer en cachette.
Un leadership qui montre l’exemple
Dernier levier, mais pas le moindre : l’exemplarité managériale. Quand la direction ou les managers montrent qu’ils utilisent l’IA de manière réfléchie, ils donnent le ton. Cela crée une dynamique positive, fondée sur la confiance et l’ouverture.
Un manager qui explique en réunion comment il s’est servi d’une IA pour structurer un plan de projet, ou gagner du temps sur une note de cadrage, tout en ayant relu et corrigé le résultat, donne envie d’essayer — et rassure sur le fait qu’on peut le faire dans les règles. L’IA ne doit pas devenir un sujet réservé aux “geeks”, à l’innovation ou au digital. Elle doit s’intégrer partout où elle peut apporter de la valeur, à condition d’être bien utilisée. Et ça commence par le haut.
Les grands axes d’une charte d’utilisation de l’IA générative
Une charte bien pensée n’est pas un simple document d’intention. C’est une boussole. Elle éclaire, guide et rassure. Voici les piliers essentiels à intégrer pour qu’elle soit utile au quotidien, compréhensible par tous, et capable d’évoluer avec les usages.
1. Préambule et objectifs : poser le cadre et la vision
Le préambule est souvent négligé, alors qu’il donne le ton. Il permet d’expliquer pourquoi la charte existe, dans quel contexte elle s’inscrit, et quels sont ses objectifs. C’est là que l’on peut rappeler les promesses mais aussi les risques liés à l’IA générative. Il s’agit de donner du sens, de fédérer, de montrer que ce cadre n’est pas là pour brider, mais pour permettre une innovation maîtrisée. Le préambule doit aussi affirmer la philosophie générale de l’entreprise : l’IA n’est pas une fin en soi, mais un outil au service des collaborateurs et de la mission collective. Il est enfin important de préciser le champ d’application de la charte : à qui elle s’adresse, dans quels contextes, sur quels outils ou types d’usages.
- Explication du contexte : montée en puissance de l’IA, transformation des métiers, nécessité d’un cadre
- Objectifs de la charte : sécurité, éthique, efficacité, transparence
- Portée du document : qui est concerné (salariés, prestataires), sur quels outils, dans quelles situations
- Posture choisie : accompagnement, responsabilisation, encouragement à l’expérimentation raisonnée
- Rappel de la philosophie : l’humain reste décisionnaire, l’IA est un levier
2. Principes éthiques : affirmer les valeurs fondamentales
Avant de détailler les usages, il est indispensable de poser les grands principes. Ils constituent une sorte de “constitution” interne à la charte, qui guidera toutes les interprétations futures. Ces principes doivent être alignés avec l’ADN de l’entreprise, mais aussi compréhensibles par tous. Ils ne doivent pas se limiter à des généralités : chacun doit pouvoir se projeter dans des situations concrètes. On y retrouve notamment les valeurs de justice, de responsabilité, de transparence et de respect de la vie privée. En les formulant de façon claire et incarnée, on évite qu’ils ne deviennent de simples slogans déconnectés des réalités opérationnelles. Ces principes montrent surtout que l’entreprise prend position, assume une vision, et attend de ses collaborateurs une posture cohérente.
- Transparence : les collaborateurs doivent savoir quand une IA est utilisée, et pour quoi faire
- Justice et non-discrimination : éviter les biais, garantir l’équité
- Respect de la vie privée : ne jamais utiliser l’IA pour traiter ou analyser des données personnelles sans autorisation
- Responsabilité : chaque utilisateur reste responsable des contenus ou décisions assistés par IA
- Humain au centre : l’IA ne prend jamais seule une décision engageante
3. Gouvernance et rôles : désigner qui pilote quoi
L’un des freins à l’adoption saine de l’IA, c’est l’absence de repères clairs sur qui est responsable de quoi. Une charte efficace doit donc désigner des rôles précis. Cela peut passer par la création d’un comité de gouvernance de l’IA, ou la nomination d’un référent IA, appuyé par un groupe pluridisciplinaire (IT, juridique, RH, communication…). Cette gouvernance ne doit pas être figée : elle doit pouvoir s’adapter au rythme des évolutions technologiques. Elle doit aussi être accessible : les collaborateurs doivent savoir vers qui se tourner en cas de doute. Il est également utile de formaliser les processus de validation des nouveaux outils, pour ne pas laisser le Shadow IA s’installer. L’objectif : une gouvernance lisible, opérationnelle et réactive.
- Mise en place d’un comité de gouvernance IA ou d’un référent clairement identifié
- Rôles définis par fonction : DSI (sécurité et architecture des outils), Juridique (conformité RGPD, droit d’auteur), RH (formation et acculturation), Direction (validation stratégique et arbitrages)
- Processus d’autorisation pour tout nouvel outil ou usage
- Suivi et mise à jour régulière de la charte et des outils approuvés
- Possibilité de consultation interne en cas de doute
4. Transparence sur les usages : instaurer la confiance par la clarté
La transparence est une condition essentielle à l’acceptation des outils d’IA générative dans une organisation. Elle ne doit pas être perçue comme un luxe, mais comme une exigence à tous les niveaux. Cela passe d’abord par une communication claire en interne sur les projets, cas d’usage et outils utilisés : qui fait quoi, avec quel outil, et dans quel objectif. En informant les collaborateurs, on évite les suspicions ou l’impression d’un déploiement “par le haut” sans dialogue. Mais la transparence concerne aussi les parties externes : partenaires, clients, fournisseurs. Lorsqu’un contenu est généré par IA (texte, image, voix, vidéo…), il est éthique de le mentionner, surtout si cela peut avoir un impact sur la relation de confiance. Enfin, la question de l’explicabilité des outils utilisés doit être posée : plus un modèle est lisible, plus son usage est maîtrisé.
- Tenir à jour une liste interne des outils d’IA générative utilisés dans l’organisation
- Documenter les cas d’usage majeurs et les mettre à disposition des équipes
- Informer les clients/partenaires lorsque des contenus générés par IA sont utilisés
- Indiquer de manière visible si un agent conversationnel est automatisé
- Privilégier des modèles explicables, compréhensibles par les utilisateurs finaux
- Intégrer la transparence dans les livrables : mention “image générée par IA”, “texte assisté par IA”, etc…
5. Règles d’utilisation claires : encadrer les usages sans bloquer l’initiative
Le cœur de la charte, ce sont les règles concrètes du quotidien. Ce qui est autorisé, ce qui ne l’est pas, ce qui est soumis à validation. Pour être efficaces, ces règles doivent être précises, compréhensibles et actionnables par tous, sans jargon technique ni ambiguïté. Elles doivent aussi différencier ce qui relève d’un usage généralisé (ex : aide à la rédaction d’un texte), de ce qui demande plus de prudence (ex : décisions RH ou juridiques). Certaines règles seront transversales à tous les outils, d’autres spécifiques à certains cas (ex : IA d’image ou de code). La clarté des règles permet d’éviter les interprétations floues, les excès de prudence ou à l’inverse les débordements. Exemples de règles à formaliser :
- Ne jamais saisir de données personnelles identifiables dans un outil IA externe
- Ne pas utiliser l’IA pour : rédiger un contrat juridique sans validation humaine, prendre une décision RH impactant un collaborateur, Interagir directement avec un client, sauf dispositif validé
- Toujours vérifier et relire le contenu généré avant diffusion
- Ne pas dépasser un certain volume de requêtes ou budget sans accord
- Mentionner clairement que l’IA est un outil d’assistance, non décisionnaire
6. Documentation des cas d’usage : garder une trace, anticiper les risques
Pour assurer le suivi, la cohérence et la conformité des usages, la charte peut imposer une forme de documentation standardisée pour chaque projet intégrant de l’IA. Cette démarche permet non seulement de garantir la traçabilité en cas d’audit, mais aussi de renforcer la rigueur en amont de chaque expérimentation. Cela incite les porteurs de projet à réfléchir dès le départ à la finalité, aux données utilisées, aux risques éventuels et aux mécanismes de validation humaine. Une fiche de documentation simple peut suffire, à condition d’être systématique. Ce type d’outil permet également d’alimenter un registre central des usages de l’IA dans l’entreprise, favorisant la transparence et la cohérence à l’échelle de l’organisation. Ce que cette documentation peut contenir :
- Objectif du cas d’usage
- Outil(s) utilisés (interne ou externe, modèle précis)
- Données en entrée / sortie (et leur sensibilité)
- Type de validation humaine mise en place
- Mesures de contrôle et de sécurité associées
- Responsable du projet ou de l’expérimentation
7. Gestion des biais et de l’équité : prévenir les dérives algorithmiques
L’IA générative repose sur des données d’entraînement souvent massives, mais pas toujours neutres. Elle peut, sans intention malveillante, reproduire des stéréotypes, des déséquilibres ou des biais historiques présents dans ces données. Pour éviter que cela ne se traduise en décisions injustes ou en contenus discriminants, la charte doit inclure des garde-fous. Cela passe par la sensibilisation des utilisateurs, la mise en place de contrôles réguliers, et l’intégration d’un regard critique dans les équipes. Il est aussi essentiel de favoriser la diversité dans les données utilisées pour entraîner des modèles internes, lorsqu’ils existent.
Un cadre formel de revue éthique peut compléter ce dispositif, en sollicitant des experts ou des comités internes capables de détecter les biais invisibles à l’œil non averti. L’enjeu ici est aussi bien juridique qu’éthique : garantir que l’IA reflète les valeurs de l’entreprise, sans générer de nouvelles formes d’injustice.
- Sensibiliser les collaborateurs aux biais algorithmiques par des formations ou contenus dédiés
- Réaliser des tests réguliers des outils IA sur des scénarios diversifiés
- Exiger des contrôles humains sur les décisions ou contenus produits par l’IA dans les domaines sensibles (RH, communication, juridique…)
- Encourager l’usage de jeux de données équilibrés dans les projets internes
- Instaurer un comité de revue éthique ou un recours ponctuel à des experts tiers
- Intégrer l’équité dans les critères d’évaluation des projets IA
8. Supervision humaine systématique : garder l’humain dans la boucle
Le principe de “l’humain dans la boucle” n’est pas un détail, c’est un pilier. Il doit être affirmé avec force dans la charte. L’IA peut assister, proposer, structurer ou générer du contenu, mais jamais décider seule, ni produire un livrable final sans validation humaine. C’est une exigence à la fois éthique, opérationnelle et juridique. Cette supervision permet de prévenir les erreurs, de corriger les approximations, et surtout, de maintenir la responsabilité humaine. Les collaborateurs doivent être formés à ce rôle de relecture, de validation et, si nécessaire, de refus. Cela implique aussi que l’entreprise ne déploie pas d’automatisations intégrales sans contrôle, même si les outils le permettent techniquement.
- Toute décision assistée par IA doit être validée par un humain identifié
- Les contenus générés (texte, image, vidéo…) doivent être revus avant publication ou utilisation externe
- Aucun processus 100 % automatisé ne doit être mis en œuvre sans validation intermédiaire
- L’utilisateur reste responsable du contenu produit, même s’il a été généré automatiquement
- L’entreprise veille à ce que ses outils ne soient pas déployés en mode “boîte noire”
- Des procédures de relecture ou d’arbitrage humain doivent être intégrées aux projets IA
9. Sécurité des systèmes et des données : anticiper les vulnérabilités
L’IA générative, comme tout système informatique, est exposée à des risques de sécurité. Prompt injection, accès non autorisé, fuite de données, réponses malveillantes… ces menaces sont réelles. Il est donc crucial que la charte intègre une couche de cybersécurité, en lien avec les politiques existantes de l’entreprise. Chaque phase d’un projet IA (entraînement, déploiement, utilisation) peut exposer des failles si elle n’est pas encadrée. Les collaborateurs doivent être sensibilisés aux risques techniques propres à l’IA générative, notamment lorsqu’ils utilisent des outils grand public.
La charte doit aussi prévoir des exigences claires : analyse de risque en amont, restrictions d’accès, conformité aux règles de sécurité interne. Enfin, des mécanismes de contrôle, de journalisation et d’audit peuvent être déployés pour détecter les usages à risque.
- Réaliser une analyse de risque cybersécurité pour chaque projet IA générative
- Assurer l’authentification et la gestion des accès aux outils utilisés
- Ne jamais utiliser d’outil IA en contournant les règles de sécurité interne (VPN, proxy, filtrage web…)
- Purger les données d’entraînement de tout élément malveillant (code, liens piégés…)
- Intégrer les IA dans les audits de sécurité réguliers
10. Traçabilité et auditabilité : documenter pour mieux maîtriser
Le suivi des usages de l’IA passe aussi par la capacité à retracer ce qui a été fait, quand, et par qui. La charte doit imposer des principes de traçabilité pour les interactions sensibles ou les contenus diffusés publiquement. Cela permet de revenir en arrière en cas d’erreur, de mauvaise interprétation ou de contestation. Une trace du prompt initial et de la réponse de l’IA peut être conservée, tout comme une copie du contenu non modifié.
Cette traçabilité a aussi une vertu dissuasive : elle rappelle que les usages sont encadrés, et peut aider à faire émerger des axes d’amélioration. Par ailleurs, des audits internes peuvent être programmés à intervalles réguliers pour vérifier l’adhérence aux règles. La traçabilité n’est pas une sanction, c’est une assurance qualité.
- Archiver les prompts et les réponses dans les cas sensibles ou à diffusion externe
- Enregistrer une version non modifiée des contenus générés avant édition
- Prévoir des audits d’usage par échantillonnage (par service, par projet…)
- Informer les collaborateurs que ces audits existent (sans créer de climat de contrôle excessif)
- Utiliser les audits pour corriger, mais aussi valoriser les bonnes pratiques
- Intégrer la traçabilité dans les outils utilisés (journalisation automatique, suivi d’activité)
11. Propriété intellectuelle et droits d’usage : éviter les contentieux invisibles
Avec l’IA générative, la question de la propriété des contenus produits est devenue stratégique. La charte doit impérativement cadrer ce sujet : à qui appartiennent les textes, images ou lignes de code générés via des outils IA ? L’entreprise doit s’assurer qu’elle possède les droits nécessaires sur les créations produites dans un cadre professionnel. Cela signifie également que les employés ne doivent pas injecter dans une IA des contenus protégés (texte sous copyright, visuels licenciés, code sous licence spécifique…) sans en avoir le droit.
C’est aussi une question de vigilance sur les outils eux-mêmes : certains générateurs imposent des conditions d’usage spécifiques selon les cas (usage commercial, redistribution, etc.). La charte doit encourager la lecture systématique des CGU et clarifier les responsabilités. Points à encadrer dans la charte :
- Tous les contenus générés dans le cadre professionnel appartiennent à l’entreprise, sauf mention contraire
- Ne pas fournir à l’IA de contenu protégé sans avoir les droits d’usage
- Vérifier les CGU des outils externes utilisés (notamment pour les images et vidéos)
- Ne pas utiliser de contenu généré sans savoir si son usage est libre de droit
- Avertir le service juridique en cas de doute sur un droit d’auteur ou une licence
- Garantir que les modèles internes ne soient pas entraînés sur des données non conformes

Accompagnement et formation des collaborateurs : sans transmission, pas d’adoption
Soyons clairs : une charte, aussi complète soit-elle, ne vaut pas grand-chose si elle reste caché dans les tréfonds d’un intranet, jamais lue, jamais expliquée. Ce n’est pas un règlement qu’on signe en bas de page, mais un cadre qu’on doit s’approprier. Et pour ça, il faut miser sur un vrai accompagnement humain. Former, vulgariser, créer du dialogue : ce sont des passages obligés si l’on veut éviter les mauvais réflexes ou, pire, les usages à la va-vite. L’IA générative, ce n’est pas un gadget : c’est un nouvel outil de travail, qui touche potentiellement tout le monde. Alors autant le rendre compréhensible et utilisable, plutôt que de le laisser dans les mains de quelques initiés. L’entreprise a donc tout intérêt à former en grand et à accompagner dans la durée.
Former pour acculturer : la clé de voute !
La première étape, c’est l’acculturation. Juste après l’adoption de la charte, il faut former les équipes au fond comme à la forme. Cela commence par des bases solides : qu’est-ce qu’une IA générative, comment ça fonctionne, quelles sont ses forces, ses limites, ses angles morts. Le tout illustré avec des exemples concrets liés au quotidien de l’entreprise. Ensuite seulement, on entre dans le détail de la charte : ses règles, ses principes, ses raisons d’être. L’idée, ce n’est pas de faire peur ni de jouer aux juristes : c’est d’expliquer simplement ce qui est permis, ce qui ne l’est pas, et pourquoi. Si les règles font sens, elles sont bien mieux respectées. Et si le ton reste humain, on engage bien plus facilement les équipes.
Pour que la formation fonctionne, elle ne peut pas être descendante ou rigide. Il faut varier les formats et créer de la participation. Un atelier pratique où l’on simule une interaction avec ChatGPT en respectant les bonnes pratiques ? Une session où l’on analyse ensemble les erreurs types (données sensibles partagées, biais implicites, prompts flous) ? C’est bien plus parlant qu’une session théorique. Même les formats courts, type quiz ou e-learning ludiques, peuvent servir à ancrer les bons réflexes. Le but, c’est que chacun reparte avec un minimum de maîtrise, un maximum de clarté, et l’envie de faire les choses proprement. C’est aussi ça, la pédagogie : ne pas donner des ordres, mais transmettre une culture.
Un accompagnement continue obligatoire
Mais former une fois ne suffit pas. L’accompagnement doit se prolonger dans le temps, car l’IA ne cesse d’évoluer. Il est donc essentiel de créer des points de relais accessibles: une FAQ interne, un canal de discussion pour poser des questions, un contact identifié pour demander conseil. On doit pouvoir se demander, sans honte ni peur de la sanction : “Est-ce que je peux utiliser cet outil ?”, “Comment anonymiser ces données avant usage ?”, “Est-ce que ce contenu généré est diffusable tel quel ?”. C’est ce climat-là qui permet aux salariés de progresser. Les managers ont aussi un rôle clé : formés eux-mêmes, ils doivent pouvoir répondre aux questions de leur équipe, détecter les doutes, et relayer les bons usages au quotidien.
Dans un contexte aussi mouvant, l’entreprise a aussi tout intérêt à proposer des mises à jour régulières. Ce qu’on apprend aujourd’hui sera peut-être partiellement obsolète dans six mois. L’apparition de nouveaux outils, les évolutions réglementaires comme l’AI Act européen, les risques émergents : tout cela nécessite de maintenir un lien vivant entre les utilisateurs et le sujet. Un bon format pour cela, ce sont les “capsules” de mise à niveau. Courtes, ciblées, faciles à suivre, elles permettent de garder tout le monde dans le bon tempo sans alourdir les emplois du temps. Un intervenant expert, une actu commentée, un retour d’expérience terrain : tout est bon à prendre, tant que ça garde le sujet chaud.
Impliquer ses salariés en évitant les sanctions inutiles
Enfin, pour que cette dynamique fonctionne pleinement, il faut impliquer les utilisateurs. Pas uniquement en tant que bénéficiaires, mais aussi comme contributeurs. Créer un petit comité d’utilisateurs qui fait remonter les retours terrain sur la charte, c’est simple mais très puissant. Cela permet de voir ce qui coince, ce qui manque, ce qui pourrait évoluer. Et ça donne aux collaborateurs le sentiment de faire partie du processus, pas juste de le subir. On peut aussi imaginer des formats plus créatifs, comme un appel à idées de cas d’usage IA respectueux de la charte, avec une récompense à la clé. On stimule l’innovation, on renforce l’adhésion, et on remet un peu d’énergie positive dans un sujet parfois vu comme technique ou contraignant.
Et puis, n’oublions pas que l’adoption passe aussi par la manière dont on gère les erreurs. Il y aura forcément des maladresses au début : une info mal floutée, un outil mal compris, un copier-coller un peu trop rapide. Si on commence par sanctionner, on pousse les erreurs sous le tapis. Mieux vaut, dans un premier temps, privilégier la pédagogie. Reprendre, expliquer, former à nouveau si besoin. Bien sûr, en cas de récidive ou de faute grave, des mesures peuvent être prévues. Mais dans les premiers mois de mise en œuvre, un encadrement bienveillant (mais ferme si nécessaire) aidera bien plus à faire progresser toute l’organisation.
C’est ça, l’esprit d’une charte IA vivante : elle éclaire le chemin au lieu de bloquer le passage.

Grégory JEANDOT
Consultant sr et Formateur IA
Avec un langage simple (et non simpliste), Grégory décrypte l’univers de l’IA générative. Pas de sémantique complexe ou d’approche trop verbeuse : l’objectif est de faire monter tout le monde en compétence !